Adoption homosexuelle : La CEDH dit "oui"

CEDH 22 janvier 2008 Affaire E.B contre France

les juges européens ont donné raison à "E.B." qui se plaignait d'avoir été victime d'une discrimination du fait du refus des autorités et des tribunaux français de lui permettre d'adopter un enfant en raison de son « orientation sexuelle » Le refus avait été motivé par le « défaut de “repères identificatoires” dû à l’absence d’image ou de référent paternel et par l’ambiguïté de la situation de la compagne de la requérante par rapport à la procédure d’adoption». La Cour de cassation avait rejeté sa demande le 5 juin 2002.

La CEDH considère qu'il faut des raisons particulièrement graves et convaincantes pour la justifier s’agissant de droits tombant sous l’empire de l’article 8. Or de telles raisons n’existent pas en l’espèce, puisque le droit français autorise l’adoption d’un enfant par un célibataire, ouvrant ainsi la voie à l’adoption par une personne célibataire homosexuelle. De plus, le code civil reste muet quant à la nécessité d’un référent de l’autre sexe et, par ailleurs, la requérante présentait, pour reprendre les termes de l’arrêt du Conseil d’Etat, « des qualités humaines et éducatives certaines ».

Enfin, notez que l'arrêt a été rendu par la Grande Chambre, et revêt donc à ce titre d'une réelle solennité.

Les choses vont douc bouger. Partisan ou opposant, à chacun de forger son propre avis !

Je trouve cet arrêt tout à fait fondé en droit, quelque soit l'opinion qu'on puisse avoir sur cette question.

Mais (pour rester dans mon quotidien des derniers jours) ça serait discriminatoire de leur refuser en raison de leur orientation sexuelle !

Une question reste : quelle position va prendre la France suite à cette condamnation ?

Je pense que deux positions sont ouvertes à la France:
- l'une, "noble", consisterait à enjoindre aux services compétents de ne plus refuser d'agrément fondé sur l'homosexualité du sollicitant, et/ou à élargir l'adoption aux concubins et aux pacsés.
- l'autre, "mesquine", serait de modifier la législation pour réserver l'adoption aux couples mariés!!! (ça m'étonnerait, mais bon, on ne sait jamais).

Un conseil pour ceux qui iraient lire l'arrêt: lisez également l'opinion dissidente du juge Costa (juge français et actuel président de la CEDH). Il faut préciser que c'est une opinion dissidente dans la mesure où il considérait qu'il n'y avait pas violation de la Convention, mais il approuve l'affirmation de principe que le refus d'agrément à l'adoption ne saurait être fondé sur l'homosexualité du requérant.

Sinon, point de détail pour ceux qui s'interrogeraient suite aux précisions de Christophe: la dernière juridiction interne saisie était le Conseil d'Etat (et non la Cour de cassation comme il le dit dans son 1er paragraphe, avant de viser le CE dans le deuxième): la requérante avait sollicité l'annulation de la décision du président du Conseil général de lui accorder l'agrément à l'adoption.

Ou faire de la résistance, non ?

Voilà un article qui répond, en partie, à ma question que je viens de lire sur internet (si jamais ça intéresse d'autres personnes que moi )

http://www.lefigaro.fr/actualites/2008/01/22/01001-20080122ARTFIG00473-les-couples-homosexuels-ne-peuvent-toujours-pas-adopter.php

Je vois mal la France faire de la résistance, ne serait-ce que pour éviter une nouvelle condamnation qui ferait du plus mauvais genre. En outre, l'art. 46 Conv.ESDH prévoit la force obligatoire des arrêts auxquels les Etats sont parties; la France ne pourrait donc pas avancer que c'est une autre législation que la sienne qui a été condamnée.

D'ailleurs, je n'ai pas en mémoire d'exemple de résistance de la France suite à une condamnation de sa législation. Au contraire, la suppression de la mise en état devant la Cour de cassation, la modification de l'Etat civil des transexuels, la non-rétroactivité de la loi anti-Perruche,... montrent bien que le législateur, mais aussi le juge national prennent en compte les condamnations de la CEDH. En ce qui concerne l'adoption, il suffira donc aux juridictions administratives d'annuler les refus d'agrément fondés sur l'homosexualité: même pas besoin de modifier le Code civil.
Le seul exemple qui me vient à l'esprit à propos d'une résistance suite à une condamnation européenne concerne le présence du commissaire au gouvernement au Conseil d'Etat. Et je pense que la résistance trouve sa raison dans le fait que le Conseil d'Etat entend sauvegarder son mode de fonctionnement; tant qu'on ne touche pas à son organisation interne, le Conseil d'Etat n'entre pas en résistance.
Maintenant, peut-être que quelqu'un a un exemple de résistance s'agissant d'une condamnation de la législation...

Je viens de lire l'article dont tu parles Barbara.

L'avocate interrogée est-elle incompétente ? ou mes textes ne seraient-ils pas à jour ?

DAns sa dernière question, elle évoque la procédure de PMA ouverte aux couples vivant ensemble depuis plus de 2 ans, sans distinguer selon qui'il s'agit d'hétero ou d'homo, et envisage donc un alignement de la procédure d'adoption sur cette procédure.

Mais chez moi, l'article L 2141-2 du CSP précise dans son al 3 "l'homme et la femme formant le couple" : la PMa n'est donc ouverte qu'aux seuls couples hétéros.

Donc, chère Me Caroline Mecary, avant une interview, révisez vos cours !

Bravo pour la précision cher Christophe !