Suite à la sentance arbitrale ayant retenu la faute du Crédit lyonnais dans la vente de la société Adidas, Bernard Tapie a obtenu plusieurs millions de dommages-intérêts. Comme il n'est pas bon en ce moment d'être bling-bling si l'on ne fait pas partie du gouvernement, de nombreuses voix se sont élevées pour s'insurger d'un tel "retour en grâce" d'un individu "négativement connu de la police et de la justice" (pour un peu, certains le mettraient en rétention de sûreté).
Bref, pour qu'un tel "scandale" ne se reproduise pas ("Oui Mâââm Chabot, un scandale!"), les députés ont décidé, dans la nuit du 22 au 23 octobre, un amendement au budget 2009 soumettant à l'imposition sur les revenus les indemnisations pour préjudice moral dépassant 200 000 euros.
Je peux concevoir que ce soit choquant en ces temps de "caisses vides" que plusieurs millions d'euros perçus par un particulier ne fasse pas, en tant qu'indemnisation, l'objet d'une imposition. Mais il y a des limites à la recherche de rentrées fiscales.
Surtout, ce que je trouve choquant, c'est cette capacité actuelle à adopter une législation (même s'il ne s'agit encore que d'un projet) au moindre fait divers, sans le moindre recul. Certes, une telle réactivité devient habituelle en matière pénale, au nom de la lutte contre le méchant pervers-violeur-récidiviste-pédophile-tueur (et j'en oublie). Or, l'originalité ici, c'est que l'adoption d'une telle mesure vise à sanctionner ceux qui semblent désormais constituer la pierre cardinale de toute la politique de notre Garde des Sceaux: les victimes. Si on regarde l'affaire Tapie d'un point de vue strictement juridique, Bernard Tapie n'est rien d'autre qu'une victime. Certes, une victime de "2e classe" puisque n'étant pas un enfant, n'ayant pas été violé ou tué, pas même victime d'une infraction pénale (sauf erreur de ma part). Il ne s'agit que d'une victime civile.
Ceux qui saluent cette nouvelle imposition auront-ils la même joie lorsqu'ils apprendront que des victimes "légitimes" (entendre les victimes qui méritent de la compassion par nos dirigeants) subiront cet impot ? Je ne sais pas à quel montant se chiffre leur indemnisation, mais nos dirigeants admettraient-ils que l'Etat taxe les victimes du prochain-Outreau ? ou encore les victimes de Kreutzfeld-Jacob ? ou celles du prochain crash aérien ? Pour infos, les victimes du crash de l'avion d'Air Inter au Mont-Saint-Odile ont touché une somme proche de 21 millions d'euros (tous chefs de préjudice confondus).
PS: Désolé de sortir du cadre du droit pénal !