Protection Secret Sources Journalistes

Oulah, cela faisait bientot 2 semaines que la dernière réforme du droit pénal avait été actée: cela ne pouvait durer davantage. Heureusement, Dada ne pense pas qu'à ses électeurs du 5e, elle se rappelle qu'elle est aussi, accessoirement, Garde des Sceaux. Le PL relatif à la protection des sources des journalistes a donc été présenté lors du Conseil des ministres du 12 mars 2008.

Qu'en penser ? Il y a du bon, mais, je pense, aussi beaucoup de moins bon.

Le principe général (nouv. art. 2 L.1881):
"Le secret des sources des journalistes est protégé afin de permettre l’information du public sur des questions d’intérêt général".

La protection passe ensuite à travers la réglementation des perquisitions, modifiée pour s'inspirer des dispositions applicables aux avocats. Toutefois, faute d'un ordre des journalistes, c'est la personne chez laquelle la perquisition a lieu (en pratique, le journaliste lui-même) qui pourra s'opposer à la saise de certains documents. Le conflit sera alors tranché par le JLD.

En outre, la possibilité offerte au journaliste de ne pas révéler ses sources, prévue actuellement par l'art. 109 en matière d'instruction, sera reprise en ce qui concerne le jugement des délits et ainsi que celui des crimes.
On peut se demander pourquoi, au lieu de multiplier les dispositions, un principe général n'est pas énoncé dans la loi de 1881 (ah, si, je sais: pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer ????)

Enfin, une disposition me semble potentiellement lourde de conséquence. Il est en effet prévu que, pour la protection des sources, est considérée comme journaliste "toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse ou de communication au public par voie électronique, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil et la diffusion d’informations au public".
A première vue, on pourrait considérer qu'il s'agit de la légalisation de la jurisprudence CE.26 juill. 2007, Alain A., qui reconnaissait que "le mode de diffusion d’informations par voie électronique, notamment sur un site « internet », ne fait pas, par lui-même, obstacle à la qualification" de journaliste (Cet arrêt ne fait que conscrer, au niveau du CE, ce qui était déjà courant pour l'attribution de la carte de presse). Toutefois, pourquoi le projet de loi énoncerait-ilque cela ne concerne que la protection des sources ? Il s'agirait alors au contraire de restreindre la jurisprudence de 2007.

Enfin, la soupape de "sécurité": "Il ne peut être porté atteinte à ce secret [des sources] que lorsqu’un intérêt impérieux l’impose. En particulier, il ne peut y être porté atteinte au cours d’une procédure pénale qu’à titre exceptionnel, si la nature et la particulière gravité du crime ou du délit sur lesquels elle porte ainsi que les nécessités des investigations le justifient". Dans le genre plus précis: peut largement mieux faire. Il est à craindre que cela ne gène pas grand chose à la pratique.

Il ne peut être porté atteinte à ce secret [des sources] que lorsqu’un intérêt impérieux l’impose. En particulier, il ne peut y être porté atteinte au cours d’une procédure pénale qu’à titre exceptionnel, si la nature et la particulière gravité du crime ou du délit sur lesquels elle porte ainsi que les nécessités des investigations le justifient

si je ne m'abuse, un journaliste a été retenu dans les bureaux des RG / DST à se faire cuisiner pour balancer ses sources, cet automne... au motif qu'un intérêt impérieux l'emportait...
Tout peut être impérieux, pour peu qu'on en décide ainsi, non ?

Tout à fait!! C'est pour ça que je souligne la faible précision des textes. Ou comment faire croire que l'on va protéger les sources des journalistes (d'ailleurs, c'est les sources que l'on protège, le journaliste, lui, .....).

Ou comment la figure du prédateur-pédophile-tueur d'enfant permet de justifier tous les projets de loi.

Extrait du discours de la Garde des Sceaux à l'Assemblée nationale le 15 mai 2008, où est "justifiée" la possibilité de lever le secret des sources:

"Je prends un autre exemple :
L'enlèvement, avant 7 jours de séquestration est un délit puni de 5 ans d'emprisonnement (c'est la même peine que pour une escroquerie).
La peine encourue ne permet pas de dire qu'il s'agit d'un délit « grave » (car certains délits sont punis de 7 ans ou 10 ans) tel que certains amendements l'entendent.
Pourtant : un enfant est enlevé. Un journal reçoit une lettre du ravisseur. Il menace de tuer l'enfant dans les 48 heures si la rançon n'est pas payée.
Les services d'enquêtes n'ont pas d'éléments. Il est urgent d'agir pour sauver la vie de l'enfant.
La communication de la lettre aux enquêteurs pourrait permettre d'identifier l'auteur (traces ADN, indices matériels, similitudes avec une autre affaire....).
Le journaliste oppose le secret des sources.
Même si le délit n'est puni que de 5 ans d'emprisonnement, faut-il s'interdire de lever le secret ? Faut-il prendre le risque de laisser tuer cet enfant quand on sait que les enquêteurs n'ont aucune chance d'arrêter l'auteur par leurs propres moyens ?
Dans ce contexte il faut permettre la levée du secret. C'est une atteinte exceptionnelle et proportionnée au principe du secret des sources."

Quelqu'un aurait-il en souvenir un cas où une telle situation se serait concrétisée ? Parce que, avec des si,...

Je dois avouer que je suis de plus en plus admiratif devant le talent de scénariste de Madame Rachida D. (ou de son mentor Monsieur Nicolas S.)... elle trouve le bon exemple qui parlera à des citoyens abreuvés de films et séries policiers américains...
c'est bluffant d'habileté !

pour le reste, et quant au fond, vous connaissez mon opinion sur la question.